Preuves et épreuves d’une grande figure historique
Reportage
Par Marie-Flore Domond
Les faits relatés lors d’une conférence donnée par Mérès Weche à la mémoire d’Alexandre Dumas (16 mars 2014)
Hugo Merveille : journaliste de profession
Responsable de l’animation au KEPKAA, Animateur de la conférence
« C’est cet homme-là, Alexandre Dumas, a soutenu le conférencier, Mérès Weche, qui fut appelé « Monsieur de l’Humanité », à cause de son humanisme, et que Napoléon lui-même, appela « l’Horatius Coclès », pour son intrépidité, en référence à ce légendaire héros romain, qui défendit seul l’entrée du pont Sublicius, à Rome, contre l’armée du roi étrusque Porsenna, c’est ce valeureux général français qui fut mis à la retraite par Napoléon Bonaparte et reformé au moment de l’épuration de l’armée française des éléments nègres qu’elle contenait ».
Marie Flore Domond
Suite à la publication de la biographie romancée du général Dumas, par Mérès Weche, parue aux éditions SOCIÉTÉ DES ÉCRIVAINS, sous le titre Alexandre Dumas, Monsieur le Général, l’auteur a donné une conférence en l’honneur de ce légendaire personnage, qui transcende l’histoire militaire française, mais qui n’a pas eu droit à la Légion d’honneur, encore moins au Mémorial de Sainte-Hélène, dicté par Napoléon Bonaparte lui-même. La prestation s’est produite dans les locaux de KEPKAA, l’organisme aux engagements créolophones bien connus.
En effet, cette démarche patriotique, initiée en date du dimanche 16 mars 2014, marquait l’expression enlevée d’un second souffle, d’une quête à la mémoire du héros précité. Et à la lumière d’arguments pertinents, l’auteur s’est appuyé sur la théorie de la preuve, en rouvrant le dossier du soldat exemplaire, pourtant sévèrement ostracisé, victime de l’ego surdimensionné de son supérieur hiérarchique, l’empereur Napoléon Bonaparte. Sans nul doute, l’objectif de l’événement avait pour but de réunir la plupart des exploits étouffés, conséquemment sous-estimés. En tenant compte de cet espace réel, la restauration de la place véritable de ce grand homme que demeure Thomas Alexandre Dumas est devenue possible. S’il faut accorder une vertu à l’exposé, on retiendra qu’il a su bâtir l’état d’intégrité du personnage en question, jusqu’à son rayonnement dans le service militaire, en mettant en valeur la portée humanitaire de son caractère, autant que son obstination a ne pas renier ses origines africaines, côté maternel, au profit de son appartenance à la noblesse, côté paternel.
Kelly Weche à l’extrême droite, Diasmiris au centre et Roxane à gauche
Parmi les cinq points majeurs soulevés par l’assistance, et qui ont été sujette à développement, on retrouve:
1) L’aspect généalogique de la famille Dumas qui s’explique de la sorte selon les arguments du conférencier.
Je me donnerai donc pour objectif de vous entretenir, mesdames, messieurs, sur les souches familiales maternelles du général Dumas.
L’histoire connue des Dumas est construite à travers le temps comme un système de superstructures sans infrastructures, c’est-à-dire un échafaudage sans base réelle.
Ce qu’il importe de retenir, Mesdames, Messieurs, c’est qu’avant la colonie de Saint-Domingue, le patronyme « Dumas » n’existait nulle part, pour la simple et bonne raison qu’il dériverait du vocable africain « mas » appartenant à la culture « Fon » du Dan Homey – devenu plus tard Dahomey- , terme ( je veux dire le « mas », signifiant : « ferme isolée » ; un terme qui deviendra provençal, prenant le sens de : maison de campagne.
En effet, selon deux spécialistes haïtiens des cultures négro-africaines, je veux citer l’ethnologue Jean Coulanges et feu l’adepte du vodou, Dany Danache de Lakou Soukri, que j’avais interviewé à la Télévision Nationale, les recherches qu’ils ont effectuées dans plusieurs contrées du Continent noir leur permettent d’établir une différence entre la langue « Kwa » que parle le peuple « Fon » du Sud du Bénin (anciennement Dan Homey ou Dahomey), et la langue « bantoue» du Gabon, parlée par le peuple « Fang ».
Ils ont longuement élaboré sur deux termes issus respectivement de ces deux langues : le terme « mas » de la langue « Fon » signifiant « ferme isolée », et le terme « Dûma » signifiant « dignité » en langue bantoue.
La plupart des auteurs qui ont écrit sur les Dumas, je peux citer : Calixthe Beyala du Cameroun, dont le livre « Les honneurs perdus» a reçu le Prix de l’Académie Française, en 1999; Claude Ribbe, d’origine martiniquaise, qui mène une lutte acharnée en France, pour que le général Dumas rentre au Panthéon national français; Catherine Delors et Tom Reiss, d’origine américaine, sans oublier Ernst d’Auterive de la France, pour ne citer que ceux-là, tous ou presque tous donnent aux Dumas des origines africaines différentes. Pour Calixthe Beyala, par exemple, Césette Dumas, la mère du général et la grand’mère des deux écrivains, Dumas-père et Dumas-fils, serait du Gabon. Ce qui donnerait au nom Dumas toute une autre origine.
L’histoire en général retient que les personnes capturées en Afrique, pour être vendues comme esclaves, dans le commerce triangulaire, étaient considérées comme des « sans-nom », sans ethnie précisée. Les trois sœurs, Césette, Rosette et Elizabeth, qui eurent très certainement d’autres noms d’ethnie, furent appelées les filles du « mas », c’est-à-dire de la ferme isolée. Il faut dire qu’elles ont été tout de même chanceuses de n’avoir pas été séparées les unes des autres, car elles auraient pu être dispersées, sans jamais se revoir; il ne fallait pas que les esclaves soient ensemble à parler une même langue.
Le premier maitre de Césette avait pour nom, M. de Maubielle, de qui elle aurait sa première fille Marie-Rose, bien qu’on dise aussi qu’elle l’eut d’un esclave noir. Achetée par le colon Antoine Davy de la Pailleterie, celui-ci lui donnera trois autres enfants : Thomas Alexandre, le futur général Dumas, puis Adelphe et Jeannette. Sa plus jeune sœur, Elizabeth, épousera Jean Valentin Vatey, venu de Jumièges en Normandie, et donnera naissance à Pompée Valentin Vatey, auteur de plusieurs ouvrages, dont son Essai sur les causes de la Révolution et des guerres civiles d’Haiti. Sa sœur cadette, Rosette sera conquise par François Brière, originaire de Saint-André de Clarbec, dans la région de Basse-Normandie. C’est lui l’aïeul du poète Jean Brierre, fils de Fernand Brierre et d’Henriette Desrouillères.
Le couple ami du conférencier : Jean Guy Rens et son épouse Huguette
2) Exploration accrue des œuvres littéraires de l’écrivain Dumas-père à Hollywood
L’intervention de madame Huguette Rens à ce sujet s’est avérée plus que pertinente. Elle tenait à sensibiliser l’assistance sur l’opportunité d’un recours collectif de la part des ayants-droits de la famille Dumas pour des retombées économiques des differentes adaptations cinématographiques, littéraires, théâtrales, musicales et autres des œuvres de ces deux célèbres écrivains de la littérature française, qui ont pignon sur rue jusqu'à Hollywood. Des retombées économiques, soutient-elle, qui pourraient venir en aide à l’édification de l’ambitieux projet de la fondation du musée Alexandre Dumas de Jérémie.
Exposition historique en marge de la conférence
Le général Alexandre Dumas- Césette Dumas, la mère du général - La tragédie du Roi Christophe - Toussaint Louverture et Jean Jacques Dessalines (Pacte de l’Indépendance)- Tête de Christ (Le Fils de Dieu) - La Vierge Noire (Notre Dame du Cap-Haïtien)- Le poète Jacques Stephen Alexis et l’icône, Nelson Mandela
Le fondateur de l’organisme KEPKAA Roland Bain
et Frédo de son surnom populaire, le prédécesseur d’Hugo Merveille, comme Animateur
L’artiste Julien Reiher, alias Umojha, lors de la période des débats
3) La validité de la prescription du droit d’auteur
Bien souvent, on mesure la notoriété d’un écrivain à la manière dont on honore son œuvre. Le point juridique soulevé par madame Huguette Rens mérite un examen de la non-reconnaissance de l’exploitation abusive, voire préjudiciable aux héritiers des Dumas. Mais, avant de poursuivre la quête patrimoniale relative à cette célèbre famille d’écrivains français d’origine haïtienne, voyons la pertinence de quelques éléments critiques, de certains faits remarquables mettant en lumière les réelles valeurs du général Dumas, pourtant ternies par la mégalomanie de Napoléon Bonaparte. Dans son exposé, le conférencier a relaté ce qui suit :
Quand l’écrivain Anatole France, Membre de l’académie Française, fit valoir son point de vue que le général Alexandre Dumas entrât au Panthéon français où sont abrités les tombeaux des grands hommes de la France, il ne prenait pas partie seulement pour un valeureux soldat, devenu général, qui risqua soixante fois sa vie pour la France, dans des guerres révolutionnaires et de prestige international, mais il voulut aussi faire ressortir la grandeur d’âme d’un homme, qui préféra être roturier que noble, en rejetant le nom de son père, un Marquis de France, pour adopter celui de sa mère, une négresse de la colonie de Saint-Domingue. Et pour marquer son refus d’aller combattre ses frères en colonie, à la demande de Napoléon Bonaparte, au cours de l’expédition de 1802, forte 23.000 hommes dirigés par Leclerc, il brisa son sabre en Vendée, après une confrontation réussie aux dépens d’une offensive ennemie. Le premier Consul ne lui pardonnera jamais cette effronterie. Ce haut fait d’humanité et de sentiment d’appartenance est confirmé par de nombreux historiens, dont Tom Reiss et Catherine Delors, cités précédemment. « Le plus grand des Dumas, écrivit l’Académicien Anatole France, c’est le fils de la négresse, qui risqua soixante fois sa vie pour la France, et qui est mort pauvre… ».
Comment expliquez-vous, Mesdames, Messieurs, cette pauvreté relatée par Anatole France? Je reviendrai là-dessus bientôt, car je dois épuiser la question du chassé-croisé entre les noms de famille Dumas et Brierre, dont j’ai parlé tantôt.
En effet, grâce à l’amour maternel dont a fait preuve Thomas Alexandre Davy de la Pailleterie, la littérature française est dotée de deux grands écrivains qui portent le nom d’Alexandre Dumas.
Le grand Victor Hugo, dans une lettre adressée à l’écrivain Alexandre Dumas-père, en 1872, document conservé au Musée Alexandre Dumas de Villers-Cotterêts, s’exprima ainsi : « Aucune popularité en ce siècle n’a dépassé celle d’Alexandre Dumas; ses succès sont mieux que des succès; ce sont des triomphes; ils ont l’éclat de la fanfare. Le nom d’Alexandre Dumas est plus que français, il est européen; il est plus qu’européen, il est universel ». (Réf : Dépliant publié par l’Association des Trois Dumas et pour la sauvegarde du Vieux-Villers, mars 2012).
C’est en vertu même de cette universalité que se pose la question du délai de prescription par rapport aux differentes adaptations faites de ces œuvres qui ont traversé trois siècles sans se désintégrer. Est-il possible d’instaurer un pacte civil de solidarité nécessitant un recouvrement rétroactif ? Quel leader associé à une institution consentirait à embrasser le dossier, pour mener à bon port la négociation? Les abus se rapportant aux faits historiques de ce genre, sont-ils soumis aux mêmes temps ordinaires de prescription ? Il est fort probable qu’un lecteur puisse avoir une réponse appropriée à cette approche interrogative …
4) Paradoxe de l’absence toponymique des Dumas en Haïti
À ce sujet, l’interlocuteur a eu l’explication suivante : Il existe une configuration située à Jérémie qui a été baptisée PLACE DUMAS. Cependant, l’encadrement régional ne diminue en rien le contexte de la reconnaissance légitime. Au contraire, le lieu naissance du légendaire personnage implique une meilleure connaissance de sa vie intime.
5) Le dilemme de la fiction et de la réalité rapprochée par rapport à une œuvre principalement biographique : un contraste provocateur ou un style innovateur, de conviction ?
Dire que c’est un fan inconditionnel de l’auteur qui en a fait la remarque, comme s’il était déstabilisé par cette forme de témérité littéraire. En tant que témoin de la scène, je me suis dit, en silence, qu’il est d’autant plus agréable de prendre conscience qu’ « apprécier » est une condition émotionnelle, propice aux questionnements. L’auteur a élaboré son point de vue en ces termes : Le concept d’« histoire romancée », qui constitue l’essence même de ce texte, semble prêter à caution pour plus d’uns. La préfacière, d’origine guadeloupéenne, historienne de métier, qui ne me connait qu’à travers ma production littéraire et artistique, m’avait posé comme condition sine qua non la nécessité de faire le point entre la fiction et l’histoire. C’est là qu’intervenait mon choix esthétique, pour ne pas dire ma position idéologique. L’essentiel pour moi, en composant ce livre, c’était de construire la thématique de la filiation matricielle entre le jeune Thomas Alexandre et sa maire Césette, que l’histoire a pratiquement ensevelie. Il n’y a que la magie de la fiction à pouvoir créer cette atmosphère perdue dans les cendres de l’oubli. Recréer Césette pour retracer la trajectoire historique du général Dumas a été pour moi le seul pari à tenter dans cette audacieuse démarche. La seule possibilité de la préface, par une historienne, avalise, tant soit peu, cette forme de témérité littéraire qui est mienne.
Le pasteur Osner Jean-Louis en premier plan
Le conférencier Mérès Weche à gauche
Le frère cadet du Conférencier, l’Agronome Ernst Weche, ouvrage en main
Conclusion
Plus qu’une simple perception, cette action proactive menée en trois étapes est loin d’être éphémère. L’auteur a tout d’abord concentré ses efforts sur la biographie du Général Dumas. Le projet de la conférence dans cette même thématique n’a pas tardé à se concrétiser. L’objectif à long terme de cette fierté nationale sans équivoque aboutira sans doute à l’édification du MUSÉE ALEXANDRE DUMAS de Jérémie, symbolisant définitivement le quartier régional du Général.
Pour boucler le tout, j’ajouterai que l’écriture est une démarche autonome. Le courant de la mission humanitaire nécessite l’esprit optimiste. Servir et protéger l’héritage d’un patrimoine historique, voire un trésor patriotique, impose un véritable pouvoir de détermination. Espérons un résultat avoisinant un franc succès !
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